mardi 26 février 2013

NVB ou le retour de l'obscurantisme

Ce blog va décidément devenir un déversoir à humeurs... Que mes lecteurs habituels et habitués me pardonnent : après tout, il s'agit de mon blog et j'y écris ce que je veux. La seule limite que je m'impose est celle de la loi : dans ces billets, je ne dois rien écrire qui incite à la haine, ou bien encore qui soit diffamatoire. Je précise d'emblée ici que ce billet est un billet d'humeur, que c'est mon avis personnel qui s'y exprime. Si jamais il y avait un souci de droit, je m'empresserais bien sûr de retirer ce billet.

Notre gouvernement fait vraiment très, très fort en ce moment, et multiplie les initiatives qui, à moi, me paraissent plus que douteuses ou problématiques.

Dernier exemple en date, dont j'ai pris connaissance hier : la ministre des droits des femmes et porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem a « découvert » que des femmes s'informaient sur Internet à propos de l'IVG. Et que se passe-t-il quand une femme utilise le plus célèbre moteur de recherche du net pour s'informer (vous pouvez essayer pour voir) ? Elle tape « ivg » sur ledit moteur de recherche, et tombe, soit en première intention, soit en seconde, sur le site www.ivg.net (normal, me direz-vous, au moins, là, on est vraiment dans la réponse à la question posée, ouf, ça prouve que G****e fonctionne correctement au moins).
Sauf que madame Najat Vallaud-Belkacem, ça ne semble pas lui plaire du tout, ça, parce que le site en question n'est pas franchement pro-ivg. Il est surtout favorable à une juste information des femmes se posant la question d'un recours à l'avortement, et informe en particulier sur les risques qu'elles courent en franchissant le pas.

J'y suis allée hier, par curiosité, pour savoir ce qui faisait si peur à notre chère ministre. On y trouve un certain nombre de témoignages de femmes ayant avorté, qui, pour beaucoup, ne s'en remettent pas (dans le sens où elles se posent des questions, même des années après, ou regrettent simplement leur geste et n'ont qu'un désir : mettre au monde cet enfant qu'elles ont tué, puisqu'il faut appeler un "chat" un "chat"). On y trouve aussi une étude à propos du recours à l'IVG chez les adolescentes, et en particulier du risque accru qu'ont ces jeunes filles d'avoir par la suite des problèmes psychiques, voire des maladies mentales. Ce risque, selon l'étude, serait supérieur pour les jeunes filles ayant recours à l'IVG par rapport à celles qui mèneraient à terme leur grossesse, même non désirée.

Je ne vais pas faire ici un catalogue exhaustif de tout ce que contient ce site (il y a entre autres un numéro gratuit que l'on peut appeler quand on se pose des questions, et qui permet d'avoir en ligne un conseiller, simplement pour parler).
Ce que je constate, c'est que la ministre entend poser la question du référencement des sites internet sur le moteur de recherche, et sans doute favoriser (par je ne sais quel moyen, mais elle a suffisamment de ressources pour finir par trouver) le référencement de sites plus favorables à l'IVG que ivg.net. On sait par ailleurs que le Planning Familial, depuis longtemps, ne joue plus son rôle de prévention, et préfère encourager à l'avortement que donner des informations fiables concernant, par exemple, l'accouchement sous X ou les procédures permettant de confier un enfant non désiré à l'adoption.

Alors tout ça, ça m'amène quand même à me poser une fois de plus la question de la logique du gouvernement qui dirige actuellement notre pays.
On nous dit, et on le clame bien haut et bien fort, qu'il faut absolument l'égalité pour tous, la parité entre hommes et femmes, renforcer les droits des femmes, etc. C'est beau, c'est bien, c'est politiquement correct, c'est très, très louable (je ne vais pas, en tant que femme, prétendre le contraire !). Sauf que ce que je vois, de mon petit bureau d'Ebersheim, c'est que sous le prétexte d'assurer aux femmes le droit de disposer de leurs corps comme elles l'entendent, sous prétexte de leur permettre de s'affranchir du « poids » de la maternité (subie sous-entendu), on leur nie le droit à une information complète, en voulant carrément supprimer l'accès à l'information elle-même. Et ça, pour la documentaliste que je suis, c'est purement et simplement insupportable.

Mon travail et sa déontologie sont clairs : ce qui prime, c'est la pluralité pour avoir une information éclairée et complète. Par exemple, si une bibliothèque est abonnée à un quotidien de gauche, elle doit aussi s'abonner à un quotidien de droite pour assurer aux lecteurs potentiels des points de vus divers et donc divers angles d'approche d'un problème, ce qui permet de se faire une opinion nuancée du problème en question. Et ce quelles que soient les opinions politiques ou religieuses des documentalistes.

Là, ce que propose la ministre aux droits des femmes (1), c'est purement et simplement de mettre en avant, et de créer un site internet pour contrer une information mise à la disposition des femmes (à savoir qu'un avortement, si, si, ça a des conséquences), de manière à favoriser ce qu'elle considère sans doute comme un droit fondamental. Sauf qu'à ma connaissance, toutes les femmes ne sont pas obligées d'être d'accord avec elle et sa vision des choses. Elles ont aussi, il me semble, le droit fondamental de se faire leur propre opinion par rapport à leur avenir et à l'avenir éventuel de leur enfant, si elles décident finalement de le garder.

Au Moyen-Age, et après aussi, maintenir volontairement une population ou une fraction de la population dans l'ignorance, ça s'appelait simplement de l'« obscurantisme »...

Il y a donc des choses que je ne comprends pas dans la logique de cette ministre. Les femmes ont le droit de savoir ce que font les médecins avec leur corps, il me semble. Le « droit » de disposer de son corps, ce n'est pas seulement le droit de faire n'importe quoi avec (du genre coucher avec n'importe qui, quelles que soient les conséquences, au nom de la sacro-sainte Liberté si chèrement acquise en 1968 par exemple). C'est aussi et surtout, il me semble, le droit de connaître les risques que l'on court en pratiquant une intervention ou une autre, le droit de préserver son corps d'une éventuelle mutilation (je pense en particulier à l'excision, mais on peut trouver des tas d'exemples). S'il y a quelque chose de bien dans cette histoire de droit à disposer de son corps, c'est bien ça : dans ce « mon corps m'appartient », personnellement, je vois surtout le fait que personne n'a le droit de prendre des décisions à ma place en ce qui concerne mon corps et son intégrité. D'ailleurs, un chirurgien informe bien ses patients des risques opératoires encourus, des risques liés à l'anesthésie (la consultation avec l'anesthésiste est, si je ne m'abuse, obligatoire avant toute intervention chirurgicale), ceci afin que le patient puisse prendre une décision libre et éclairée. Ça fait partie des protocoles de base en milieu hospitalier, et ça s'appelle tout simplement le respect du patient. Pourquoi donc ce même principe de base (une décision libre et éclairée par une information complète sur les bénéfices et les risques de l'intervention) ne pourrait-il pas être appliqué dans le cadre de l'IVG ? Pour éviter qu'il y ait une baisse du nombre d'avortements en France ? Comment ? 200.000 avortements par an, ça ne suffit pas ? Il en faut plus ? Ah oui, c'est vrai qu'avec les problèmes de pilule qu'on rencontre aujourd'hui (à cause, mais ça, ce n'est pas vraiment de la faute du gouvernement actuel), il y a fort à parier qu'on risque une recrudescence des avortements suite à des abandons de pilule... (Vous inquiétez pas, madame la ministre, des avortements, vous en aurez en nombre dans les mois qui viennent si les labos pharmaceutiques et les médecins ne parviennent pas à faire preuve d'un peu plus de bon sens...) (en plus, c'est cool, depuis le 1er janvier, tous les avortements sont remboursés à 100% ! Chouette, alors ! Allons-y gaiement : la pilule, elle (surtout celles de 3e et 4e génération), est chère et n'est pas remboursée !)

Lors du vote de la loi Veil, en janvier 1975, il a été prévu un entretien avec un médecin, puis un entretien avec un psychologue, et un délai de sept jours préalable à toute interruption volontaire de grossesse. Ce qui veut bien dire, et le législateur en était parfaitement conscient en 1975, qu'une IVG n'est pas un acte anodin comme on voudrait nous le faire croire aujourd'hui. Loin d'être banal, cet acte a de lourdes conséquences psychiques et, dans certains cas, physiques aussi sur la femme qui le subit, et ce y compris si elle a toutes les informations dont elle a besoin pour que cette décision soit libre et éclairée.
Dans certains témoignages que j'ai lus il y a déjà un bon bout de temps (comme quoi, ces questions ne datent pas d'aujourd'hui et ont vraisemblablement toujours posé problème), certaines femmes disaient que bien des années après l'avortement, elles se posaient toujours la question de cet enfant qui n'est jamais né : Qui était-il ? Était-ce une fille ? Un garçon ? Qu'aurait-il fait dans sa vie adulte ? Etc. Et ces femmes n'oublient pas qu'elles ont porté un bébé : c'est inscrit dans leur corps, quoi qu'en disent tous les « pro-avortement » qui cherchent à minimiser l'impact de l'IVG sur le psychisme des femmes. Et le corps se souvient de ce qu'il a vécu par le passé...

En tout cas, si cet entretien avec un psychologue a été décidé et rendu obligatoire par la loi, ce n'est vraisemblablement pas pour rien. Et faire croire aux femmes qui se posent la question de l'avortement que c'est un acte banal, sans danger, sans risque pour elles, c'est leur mentir, surtout si en plus on leur retire un certain nombre de sources d'informations susceptibles de les faire, sinon changer d'avis (cela ne regarde qu'elles et l'avortement est malheureusement légal en France), au moins réfléchir aux conséquences et prendre la décision en toute connaissance de cause.

Pour le coup, le comportement de madame Najat Vallaud-Belkacem me paraît criminel, simplement. Au nom du respect du droit à l'avortement, la ministre entend cacher aux femmes la vérité sur ce qu'elles subissent lors d'une IVG. À quand un procès contre la ministre des droits des femmes pour non respect du droit à la liberté d'information ? Ça me ferait bien rigoler, ça !

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(1) Comme d'habitude, les commentaires sont aussi intéressants que le texte lui-même... Et puis, je me demande si notre ministre est vraiment pour la défense des droits des femmes, ou si elle est là uniquement pour défendre une certaine idée des droits des femmes. Pour ma part, je ne me retrouve absolument pas dans ces "droits" qu'elle entend défendre bec et ongles. Et pourtant, je suis une femme. Comprenne qui pourra.
Dans l'article, il est dit (et c'est NVB qui le dit) : "ces sites font du prosélytisme anti-IVG". Otez un doute de mon esprit : ce qu'elle veut faire n'est rien d'autre que du prosélytisme pro-IVG, non ? Que je sache, nous sommes en démocratie (elle, elle ne le sait peut-être pas ? Faudrait que le président normal pense à le lui dire, parce que visiblement, ça pose problème quand même, sauf si sa définition à lui de la démocratie est tout aussi partielle que celle de sa porte-parole... on peut se poser la question, d'ailleurs, quant on voit la manière qu'il a de traiter d'autres sujets de société, mais je ne vais pas revenir sur le "mariage pour tous", c'est un autre débat. Quoique.), et à ce titre, toutes les opinions ont quand même le droit de s'exprimer, non ? Ou alors c'est moi qui n'ai rien compris à la démocratie ??? En quoi le fait de faire du prosélytisme anti-IVG est un problème ? Ça rétablit un peu l'équilibre, puisque les femmes ne peuvent pas toujours trouver auprès des médecins les informations dont elles ont besoin pour se faire une opinion... Ah mais non : ça ne va pas dans le bon sens pour notre bonne ministre des droits des femmes... Zut alors !

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