mercredi 25 février 2009

Genèse de « Une journée (presque) ordinaire », 2e épisode.

Après avoir laissé tomber (provisoirement, je l’espérais en tout cas), l’histoire « 24 heures », je me suis mise à lire. Oui. Parce que voyez-vous, après notre souci de téléphone et d’internet en décembre, nous avons eu droit à la tempête en janvier, comme beaucoup. Seulement chez nous, les conséquences se font toujours sentir, heureusement, elles nous ont permis d’ouvrir les yeux sur un certain nombre de pratiques que nous avions à la maison.
Je m’explique.

Le 24 janvier, après la tempête, je me suis rendu compte que le terminal TPS avait lâché. J’ai tenté une réanimation, mais les lutins, comme ceux de l’ordinateur il y a un peu plus de deux ans, se sont mis en arrêt de travail longue durée, comme à la Guadeloupe. Ou bien encore, on peut dire aussi qu’ils ont fait comme leurs collègues du 2e étage, et qu’ils sont tombés dans le coma. Toujours est-il que CanalSat est HS chez nous depuis un mois. Or donc, je me suis mise à faire autre chose que regarder la télévision, le soir, en particulier, et j’ai découvert le plaisir de lire pendant la sieste de BBK, l’après-midi. Ô joie suprême ! (du coup, nous sommes en pourparlers avec CanalSat pour résilier avec quelques mois d'avance notre abonnement, sachant que ça ne fonctionne plus du tout, et que je me refuse à payer 3 mois pour des prunes... pour l'instant, ils ne veulent rien entendre. On continue la "guerre" !)

J’ai ainsi pu rattraper un certain retard, et après avoir lu « Cendrillon » d’un certain Reinhardt (que je ne conseillerai à personne, on ne s’ennuie pas une minute, mais ça ne se termine pas, alors c’est franchement frustrant), j’ai enchaîné sur « Nous vieillirons ensemble », de Camille de Peretti. Et là, j’ai eu une révélation.

Tout d’abord, je n’ai pas compris, j’ai eu l’impression d’une sorte de Cluedo. Elle présentait son roman avec un carré de 64 cases, superposé au plan d’une maison de retraite, et on devinait que le récit se passait dans la maison de retraite, avec un lieu pour chaque chapitre.
L’originalité de la présentation me plaisant décidément beaucoup, j’ai commencé à dévorer ce roman. Et puis, au bout du 8e chapitre quand même, j’ai cherché la table des matières (pour essayer de voir s’il y avait une cohérence et surtout un découpage par partie, comme c’était le cas dans le texte lui-même, et juste pour voir si je pouvais repérer plus facilement les différentes parties). Quelle ne fut pas ma surprise de trouver, à la fin du bouquin, non pas une table des matières, mais un cahier des charges, avec toute une série de tableaux.
J’ai donc arrêté ma lecture du roman, j’ai lu le cahier des charges, et découvert qu’en fait, elle avait bâti son roman sur un système à la fois géométrique et mathématique : elle s’est pour cela basé sur un autre roman écrit à la fin des années 60 par Georges Pérec, « La vie mode d’emploi », basé lui sur un nombre de contraintes impressionnant : un carré de 100 cases représentant un immeuble. L’ordre des chapitres (99 au total) est déterminé par le déplacement d’un cavalier, comme sur un échiquier. Le cavalier ne passe jamais deux fois sur la même case, et fait tout le carré (sauf une case, dans le cas de « La vie mode d’emploi »).
A cette contrainte « géographique » s’ajoute une, ou plutôt des contraintes thématiques. Perec comme Camille de Peretti, on utilisé les bi-carrés latins orthogonaux, à savoir des carrés de 8 cases sur 8 (Camille de Peretti) ou 10 cases sur 10 (Georges Perec), contenant deux séries de chiffres, selon le principe du Sudoku : un même chiffre ne peut apparaître deux fois dans la même colonne, ni dans la même rangée. En revanche, il peut apparaître deux fois dans la même case. Chaque case est différente, on a donc dans le cas de Camille de Peretti 64 combinaisons.
Camille de Peretti a superposé 5 bi-carrés latins orthogonaux, auxquels elle a lié 10 listes : deux par carré. Ces listes contiennent chacune 8 éléments d’un même thème.
Il suffit ensuite de suivre le bi-carré : le premier chiffre se rapporte à la première liste, le second chiffre à la deuxième, et ceci pour chaque case du carré. Ensuite, on associe à chaque case un chapitre, et on recommence pour chaque bi-carré. Au total, dans le roman de Camille de Peretti, on a donc 80 éléments qui sont répartis de manière non aléatoire sur un damier de 64 cases, et la combinaison de ces éléments est unique pour chacune des cases.
Le but ultime du « jeu » est d’écrire un chapitre par case, en reprenant obligatoirement chacun des 10 éléments présents dans chaque case.
En réalité, avec ce système, on a des éléments obligatoires (un lieu et des objets par exemple), mais ni trame, ni histoire, ni personnages, ni contenu. On a donc des contraintes d’écriture, et le plus gros reste à faire : tout inventer.
Georges Pérec, lui, s'est rajouté plus de contraintes encore, et notamment celle de faire allusion à un événement de sa journée réelle, qui s'est déroulé le jour où il a écrit un chapitre. Par exemple, s'il écrit le chapitre 22 le 30 avril, il mentionnera dans son chapitre un événement qui s'est déroulé dans sa vie personnelle le 30 avril. Et un certain nombre d'autres contraintes du même genre, dont je n'ai pas le détail.
J'ai bien sûr fait des recherches sur Georges Pérec (vive internet !) et j'ai découvert qu'il appartenait à un courant littéraire appelé l'OuLiPo (j'ai oublié ce que ça veut dire), et que ce courant littéraire avait pour objectif entre autres de donner des consignes d'écriture, et notamment des contraintes, comme par exemple de ne pas utiliser telle ou telle lettre (comme dans le cas de "La Disparition", du même Georges Pérec, qui n'utilise pas la voyelle "e", ou dans "Les Revenentes", qui n'utilise que le "e", au contraire). Des sortes de fous de la littérature, en somme.
Des lecteurs bien plus cultivés que moi connaissent déjà sans doute fort bien tout ce que je viens d'évoquer ici. Pardon, donc, pour ce message inutile, mais dans mon cas, il s'agit d'une révélation, et je me dis que peut-être, je ne suis pas la seule inculte à écrire. Je fais donc partager mon ignorance sur ces pages.

Pour en revenir à mes écrits, j’ai donc commencé l’application de ce système pour « 24 heures », en le simplifiant (parce que non, je ne suis pas Camille de Péretti, et encore moins Georges Pérec, faut pas pousser non plus). Seulement, ce ne sera plus « 24 heures », mais « Une journée (presque) ordinaire ».
(en fait, je me rends compte en écrivant ces lignes que Georges Pérec est un Shadokien dans l'âme (ce qui va réjouir, je pense, certains lecteurs de ce blog), puisqu'il applique à la lettre la maxime "Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué").

Les détails dans un prochain billet !

14 commentaires:

  1. Ben oui, pourquoi faire simple quand on peut se compliquer simplement la vie!! (c'est d'ailleurs la devise de l'Administration).
    Ca n'empêche pas que j'attends l'histoire avec impatience!

    (Moi aussi je fais comme Georges Pérec : j'ai écris mon texte en banissant la voyelle "y", les consonnes "k", "w" et "z"... Comme quoi c'est facile ^^)

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  2. J'aurais pensé que le premier a commenter aurait été notre Shadock personel, mais la Mili et moi l'avons battu a plat de couture.

    Pour l'imitation de Georges Pérec, pas très dur de bannir le W, le K ou le Z, essaye avec le a, c'est déjà moins facile.

    Bonne m.... pour l'écriture dela journée (presque) ordinaire, je me réjouis d'avance à pouvoir le lire.

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  3. Tut tut tut... Y'a pas de petite victoire!
    (En plus, c'est pas vrai, c'est super dur d'éliminer le "k" quand on est une adepte du "niiiark"!).

    Dis Amélie, tu pourras nous faire une dédicace? (Je la mettrai soigneusement dans mon coffre fort et hop, dans 10 ans, je la revends sur Ebay super chère *niiiiark*).

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  4. Pour la dédicace, il faudra encore attendre. Et pour l'histoire aussi.
    Je vous annonce que j'ai quelques personnages, pas mal d'histoires, mais rien qui les relie entre elles pour l'instant. Au jour d'aujourd'hui, j'ai la trame de 24 chapitres en tout (c'est-à-dire que je sais dans quel contexte je vais utiliser les mots "imposés" par mes propres contraintes... mais que rien ou presque n'est encore écrit). Il y a donc du travail, du boulot, du taf... plein !
    Et je couperai la tête à celui ou celle qui osera revendre une dédicace sur Ebay !
    Niark ! (moi aussi, je sais le dire !)

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  5. J'ai enfin compris comment on mettait des liens !
    J'suis un peu lente, mais trop forte !

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  6. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  7. Voulant faire un ajout, le barbare de la technique n'a réussi qu'à l'effacer. Je pense avoir le QI d'une poule qui aurait trouvé un boulier.

    Bon, ben je résume ce que j'ai perdu: effectivement, c'est shadok, mais on n'attendait pas de moi une autre appréciation je suppose. Me lancerai jamais là-dedans, j'ai déjà assez de mal à trousser des alexandrins.

    Et j'ajoute donc, en plus court que prévu, que j'envie ta capacité à ne pas balancer le résultat de tes premiers travaux au feu. Pour cause d'insatisfaction permanente, j'enfouis soigneusement ce que je fais, il en résulte que les seules choses que j'aie jamais données à lire à autrui, en termes de tentatives littéraires, sont les quelques pastiches qu'il y a sur le forum que tu sais...

    Donc continue bien, je vais tenter de suivre l'exemple...

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  8. J'ai pu retrouver ton premier commentaire, expédié chez moi malgré la suppression :

    "On me demande, m'y voici.

    C'est assez shadok, non seulement dans la complexité de l'exercice, mais aussi dans le caractère imprévisible des résultats. Sur le plan pratique, prévoir un peu d'aspirine.

    Je n'ai jamais été très porté sur la littérature expérimentale de l'Oulipo, qui m'a souvent sembler favoriser l'invention pour elle-même.
    Ceci-dit, dans le peu d'exercices d'écriture que vous avez lu de ma part (le plus souvent des pastiches sur le forum), vous savez que j'aime bien m'imposer des contraintes formelles, mais sous la forme du vers classique plus immédiatement payant en termes de résultats "apparemment travaillés". Je crois que ce qui me distingue d'Amélie, c'est que je suis une feignasse en termes d'imagination."

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  9. Toute la vie qu'on mène est du reste tellement shadok, que l'on ne comprend de l'informatique que ce qu'elle veut bien qu'on comprenne d'elle, et que plus l'informatique est compliquée, plus elle permet de faire des choses censées faciliter la vie. En substance, plus c'est compliqué, plus c'est simple.

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  10. Sauf qu'en fait, l'informatique n'y est pour rien : ce sont les lutins qui t'ont fait une farce. Sinon, je n'aurais pas dû avoir de double de ce que tu avais écrit... Ah ils sont malins !

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  11. Gloire éternelle à la théorie des lutins, la plus grande avancée scientifique de notre temps.

    Un jour, l'humanité entière en prendra conscience, mais ce temps n'est pas venu. L'espèce humaine n'est pas encore prête à comprendre une notion aussi révolutionnaire. Pour l'instant, nous formons une sorte de société secrète détentrice des réponses aux plus grands mystères de l'univers, et dont les initiés tiennent un grand conseil annuel à Bruges...

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  12. ... ou ailleurs, d'ailleurs. La spécificité de la théorie des lutins est telle qu'elle mérite de faire l'objet d'observations délocalisées. L'avantage aussi, c'est qu'elle est universelle, on peut donc l'observer partout...

    Notre société secrète ne sera bientôt plus secrète, mais plus nous serons d'initiés, plus vite l'humanité cessera de se tromper sur l'essence même des choses...

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  13. L'essence des choses ? Cette expression n'a pas beaucoup d'avenir. Soyons modernes, concentrons-nous plutôt sur l'électricité des choses, la pile à combustible des choses ou encore l'énergie solaire des choses. Sinon les choses seront bientôt en panne sèche.

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