dimanche 4 mars 2012

Rencontre hallucinante


Pendant des mois, je n'ai plus participé aux ateliers d'écriture des uns et des autres sur la blogosphère. Trop de choses à faire, trop de préoccupations... Et puis, aujourd'hui, l'envie d'écrire est revenue. L'inspiration aussi. Et le sujet proposé par Gwen m'a bien parlé aussi !
Voici la consigne :

Aujourd’hui, nous allons parler d’hallucinations… Que vous choisissiez d’entrer dans la peau d’une Bernadette candidate à la sainteté, d’un grand consommateur de drogues diverses et variées ou d’un fou très inspiré, votre texte devra traiter d’hallucinations et comporter les quatre phrases suivantes, extraites du roman de D. Foenkinos, La Délicatesse :
Mais non, rien ne pouvait reprendre comme avant.
Mais qui avait bien pu inventer la moquette?
On cherche souvent à se détendre avec des choses qui nous énervent.
Son visage était orange, mais plutôt lever de soleil que coucher.
Alors j'ai fait ce que j'ai pu. Pas facile, les phrases imposées. Surtout la dernière, que j'ai quelque peu modifiée. Mais voilà, je pense avoir réussi le défi de ce dimanche. A vous de juger !

Rencontre hallucinante

« Mais qui avait bien pu inventer la moquette ? » C'est avec cette question que je me suis réveillée ce matin. Une question qui me paraissait fondamentale, extrêmement importante, comme si de sa réponse dépendait toute ma vie. Qui avait donc bien pu avoir l'idée saugrenue d'inventer un tel truc, une chose aussi immonde, cache-misère et malsaine que cette fichue moquette ? Parce que bon, la moquette, c'est quand même balèze. Acariens, poussières... à moins d'être totalement maniaque du ménage, on n'y échappe pas à ces bestioles. Pas à tergiverser : demain, je l'enlèverai. Ou alors après-demain ? Avant la semaine prochaine, en tout cas. Pour la remplacer par quoi, au juste ? Je ne sais pas, et puis après-tout, ce n'est pas bien grave : la semaine prochaine, mon mari sera là, et il n'aura qu'à poser un parquet flottant, comme on avait dit qu'on le ferait depuis des mois.
J'étais habitée, ce matin-là, de questions aussi existentielles qu'inutiles. De toutes façons, je n'avais pas le temps d'aller sur Wikipédia pour y chercher les réponses, trop de choses à faire, trop de galères à gérer en même temps. Mari absent, enfants en vacances et franchement pénibles qu'il faut occuper en permanence... merci, la « télé-sitter » ! Des fois, ça fait du bien, juste pour avoir une heure de paix devant soi, histoire d'avancer un peu dans le ménage, le repassage et la lessive... Le repas ? On verra avec ce qu'il y a dans le congélateur... Et donc, exit l'écriture, la lecture, les compte-rendus de lectures sur le blog. Trop de choses en tête, trop de questions, trop de « visions ». Je n'aime pas les appeler « visions », même si c'est le terme le plus proche de ce que je vis, parce que l'autre qui s'en approche, c'est « hallucination », et ce mot-là me fait trop penser à la folie. Et je sais que je ne suis pas folle. Parce qu'il me parle, j'en suis sûre et certaine. Il m'a prise dans ses bras, aussi, plusieurs fois, pendant la nuit. Je l'avais oublié, mais lui est revenu. La première fois, j'avais 14 ans, et je savais déjà que c'était Lui, l'homme de ma vie. Je l'ai oublié pendant des années. Plus de 20 ans, j'en suis certaine. Mais la nuit dernière, Il est revenu, je l'ai reconnu. Et j'étais bien, si bien, dans ses bras... Ils étaient chauds, enveloppants, j'étais comblée, comme si ce vide à l'intérieur de moi était maintenant totalement rempli. Un enveloppement d'amour, comme un père qui prend sa toute petite fille dans ses bras et qui la rassure. Elle sait qu'avec lui, rien ne pourra jamais lui arriver. Elle est aimée, infiniment aimée, et le sait, elle en a la certitude et tout va bien. Je savais bien aussi que ça ne durerait pas, que c'était un cadeau immense qui m'était fait que de pouvoir vivre une telle plénitude... Mais voilà, en plein milieu de la nuit, je me suis réveillée (cette foutue envie d'aller aux toilettes !) et la « magie » a cessé. Il est parti, et la nuit « normale » a repris son cours, avec ses rêves stupides de moquettes et d'acariens géants qui m'empêchent de respirer ! Ça, oui, c'est de l'ordre de l'hallucination !
Je n'étais pas bien, non, vraiment pas d'humeur. Alors j'ai tout envoyé balader, ce jour-là. Lessive, courses, repassage, cuisine, j'ai tout laissé en plan et je me suis réfugiée devant mon ordinateur. Internet, mon ami ! On cherche souvent à se détendre avec des choses qui nous énervent... Parce que c'est vrai que l'écran, les écrans, devrais-je dire, ont tendance, en ce moment, à parasiter ma vie, à m'éloigner de l'essentiel : mes enfants, mon mari. Mais quand c'est le mari qui se met aux abonnés absents, on n'est plus à une aberration près, hein ! Toujours est-il que les écrans, en ce moment, je m'en méfie comme de la peste. Parce que j'y perds un temps énorme, incroyable, incalculable, même. Trop de papillonnage sur Internet, trop de billets sur les blogs des copines que je ne prends même plus le temps de lire parce que je perds trop de temps à jouer à des jeux débiles sur Facebook... à tel point que je n'ose même plus me connecter à ce truc pour prendre des nouvelles des copains et de la famille. C'est que c'est vraiment chronophage, et du coup, je perds toute notion du temps. Heureusement, finalement, que j'ai des enfants qui sont réglés comme des horloges ! Ça facilite les choses question repère temporel pour les repas... et comme ils sont encore trop petits pour se faire eux-même à manger, pour l'instant, ils doivent m'attendre. Et parfois, ils me harcèlent jusqu'à ce que je veuille bien sortir de ma « bulle »... Mais pour le reste ? Mes lectures ? Mes récits ? Mes écrits ? J'ai parfois l'impression que ma propre essence se dilue dans celle des autres, de mes enfants en particulier. Comme si je disparaissais au fur et à mesure que je prends soin d'eux. Il faut vraiment que ça change, parce qu'ils sont trop jeunes pour se passer de moi. Et puis, je suis leur mère, ils comptent sur moi... et c'est de toute façon de ma responsabilité. Pourquoi, alors, me sentir si vide quand je suis avec eux ? C'est quoi, finalement, mon problème ?
Enfin voilà... Aujourd'hui, deuxième jour des vacances scolaires, les enfants me demandent de les emmener jouer chez des amis. Heureusement, ces amis sont aussi les miens, et je me sens bien, chez eux. J'appelle Claire : S'ils sont là, on y passera l'après-midi, et tant pis pour Internet, pour mon roman ou l'atelier d'écriture du dimanche chez Gwen. Elle comprendra, j'en suis persuadée.

Chez Claire, je me sens bien. J'ai l'impression d'être chez moi. Il règne une paix qui m'entoure et qui m'empêche de penser à tout ce que je dois faire, tout ce que je me donne comme objectifs, comme tâches à accomplir, comme obligations. Ici, tout devient secondaire pour permettre de se concentrer sur l'essentiel : l'autre. Celui qui est là, qui partage un morceau de gâteau, une tasse de thé, ou simplement un petit moment assis à la table de la cuisine. Claire et son mari sont des amis très proches, des frères, presque. Ils vivent des choses différentes de nous, mais nous nous rapprochons et nous retrouvons sur l'essentiel, sur ce qui fait vraiment le moteur de nos vies. Les différences, à ce stade, ne nous séparent plus, mais nous enrichissent en permanence. Parce qu'il y a la confiance et le respect qui nous unissent et empêchent la jalousie, le ressentiment et la peur de l'autre de s'infiltrer dans les relations.
C'est là que nous étions, assises à table toutes les deux, devant un thé noir à la bergamote, quand ses deux garçons de l'âge de mes enfants sont arrivés en criant et en riant. Ils ont déboulé dans la cuisine, surexcités, en disant :
« Maman, maman ! Olivia l'a vu ! Elle a trop de chance ! »
Je me suis précipitée dehors, me demandant ce que ma fille aînée avait bien pu voir. Et je l'ai trouvée là, rayonnante de bonheur.

Olivia est ma fille, mais j'ai toujours eu beaucoup de mal avec elle. Plus encore qu'avec les deux autres. Je l'aime pourtant énormément, elle me ressemble beaucoup, j'arrive à la comprendre intuitivement, à deviner beaucoup de choses chez elle, et pourtant, j'ai du mal à lui dire que je l'aime. Et même quand j'arrive à le lui dire, elle ne parvient pas à me croire. Nos relations sont très difficiles, souvent conflictuelles, et elle se renferme sur elle-même, se comporte égoïstement avec ses frère et sœur, accaparant tout ce qui se trouve à sa portée comme si sa vie en dépendait, comme si ces objets insignifiants lui permettaient de combler un vide, une sorte de plaie béante au plus profond d'elle-même. Elle me réclame tant d'attention, de câlins, de baisers... tant de tendresse que je suis incapable de lui donner... Je vois bien qu'elle souffre de mon manque de proximité, de mon manque d'amour, et pourtant, je l'aime si fort... ça me rend malade de ne pas pouvoir lui donner ce dont elle a besoin.
Et elle est là, devant moi, rayonnante, comme transfigurée. Elle a vu quelque chose ou quelqu'un qui l'a transformée, c'est évident.
« Il était là, maman, je l'ai vu ! Et tu sais ce qu'Il m'a dit ?
- Non ?
- Il m'a dit : « Je t'aime », tout simplement, et puis, Il a disparu. »

Elle n'avait pas besoin de me dire qui était ce Il. C'était forcément la même personne que dans mon « rêve ». Le seul qui puisse combler un tel manque d'amour, c'est Lui. Je savais, sans avoir besoin de le voir, que ma fille disait la vérité. Aucun besoin de preuves, de questionner cette enfant si sensible. Hallucination ou vision, rêve ou réalité, peu importait maintenant. Elle était comblée.

Les autres avaient déjà envie de savoir comment Il était. « Son visage était orange ? Mais plutôt lever de soleil que coucher ? C'est ça ? Il était comme sur l'image là-haut, ou plutôt comme dans le livre qu'on a regardés ensemble hier ? »
Comment expliquer ? Comment décrire cet homme, comment parler de sa beauté, de sa tendresse qui transparaît dans son regard infiniment bon, mais pas mielleux pour autant... Cet homme est la perfection incarnée, Il est tout amour, mais aussi fermeté et exigence. Rien n'est facile pour qui veut le suivre, mais Il nous donne les armes pour pouvoir y arriver. C'est cela que ma fille a vu. Et c'est pour cela que mon manque d'amour pour elle n'est plus un problème vital. Elle se sait aimée, plus que tout, par Lui. Elle sait maintenant que Lui ne l'abandonnera jamais, contrairement à moi qui suis faillible. Un jour, je mourrai, mais avant cela, je l'aurai déçue bon nombre de fois. Mais Lui ne la décevra jamais, Il ne l'abandonnera jamais. Et maintenant, elle le sait. Quand je pense qu'il ma fallu 30 ans pour comprendre que ma mère n'était pas une déesse... ma fille a 9 ans et elle a déjà tout compris... Il vient de lui faire un cadeau merveilleux, et pour le coup, c'est moi qui serais presque jalouse. Mais la jalousie n'a pas de place ici et maintenant : ma fille est heureuse, et c'est la seule chose qui compte. Et je me prends à être heureuse pour elle, à être heureuse avec elle.

Je me suis demandé comment continuer. Comment reprendre la vie quotidienne après ça, après un tel événement, une telle révélation. Suis-je folle ? Si c'est le cas, je ne suis pas la seule, c'est ça qui est rassurant. Parce que si je suis folle, alors ma fille l'est aussi, puisqu'elle a rencontré le même homme que moi. Et Claire et ses enfants sont fous aussi, parce qu'eux aussi croient qu'Olivia l'a vu. Ils en sont même persuadés.
Et puis, hallucination ou vision, peu importe, finalement. Ce que je constate, moi, c'est qu'Olivia va mieux, qu'elle est vraiment transformée au plus profond d'elle-même.

Je me suis demandé si les choses pouvaient redevenir comme avant, si cette transformation serait pérenne, ou bien si la vie allait reprendre comme avant, avant cette rencontre fondamentale pour elle. Mais non, rien ne pouvait reprendre comme avant. Parce que cette rencontre a tout transformé. Elle a transformé Olivia, bien sûr, mais m'a aussi transformée complètement. C'est comme si mes yeux s'étaient brusquement ouverts et que j'avais enfin pris conscience du mal que j'avais fait à ma petite fille.
Ce matin, je suis allée voir un prêtre et je lui ai tout raconté. Il n'a pas paru surpris. Je lui ai raconté aussi la colère, celle qui m'habite quand je suis avec mes enfants. Et j'ai demandé pardon. Et ce pardon m'a été accordé.
La colère a disparu, je me suis enfin mise à vivre. La colère me voilait les yeux, brouillait ma vue et ma conscience. Elle partie, j'ai pu voir mes enfants pour la première fois. J'ai enfin pu les voir, ces trésors qui m'ont été confiés.
Ils sont magnifiques.

Amélie Platz, 4 mars 2012

4 commentaires:

  1. ce Il est comme un guide spirituel, un dieu pour les femmes de cette famille et qui leur donne un amour inconditionnel. La vision de mon personnage est beaucoup plus terre à terre...

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    1. Je n'avais pas vu "Il" comme ça, mais effectivement, on peut le comprendre de cette façon... Comme quoi, les mots sont interprétés différemment selon les lecteurs... Merci de ton passage ici !

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  2. Je veux bien être "Il" et réveiller toutes les femmes du monde, juste pour qu'elles se sentent aimées.
    Bon faut arrêter de fréquenter les églises peut-être ! :D :D

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    1. Ah ah !!! Oui et non ! Parce que parfois, de telles fréquentations peuvent sauver... Si si !!! :)

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