(Pour lire la première partie, c'est ici)
Pierre ne
savait pas naviguer en haute mer. L'océan lui faisait peur, avec ses
colères, ses orages, mais il ne pouvait se défaire de cette
obsession. Il voulait naviguer. Il avait un jour entr'ouvert la porte
vers un autre monde, or cet ailleurs le fascinait, l'interpellait, et
il n'attendait que l'opportunité d'y entrer. Il porta sa main à son
front, comme une ombrelle, et scruta une fois de plus ce chenal qui
l'attirait et pour lequel il se sentait dans l'obligation de vaincre
sa peur du large. Autour de lui, sur la côte déchiquetée, le
réveil du printemps tachetait d'orange et de jaune la bruyère et
les sous-bois. Les ormes, pins maritimes et autres chênes ornant les
jardins des maisons cossues de la station balnéaire où il vivait
apaisaient la vue et lui permettait de se sentir en osmose avec son
environnement, même s'il était loin de partager la richesse de ceux
qui pouvaient s'offrir ces villas et, d'ailleurs, ne les occupaient
que pendant les mois les plus chauds de l'année. Il aimait
contempler le rivage, les odorantes orchidées ou les simples roses
ordinaires ajoutant, au printemps, à sa sérénité. Seulement, il
ne pouvait jamais y rester trop longtemps : l'appel du large
était toujours plus pressant, l'obligeant à l'obéissance et le
menant toujours plus loin vers le moment où il ne pourrait plus
reculer et se verrait dans l'obligation de prendre la mer.
Ce matin-là,
il finit par se décider. Il mit La Belle des Mers à l'eau
et, pour une fois, fit fi des risques qu'il avait maintes fois
listés. Oublié, le risque d'orage, de gros vent, de tempête et de
naufrage. La tentation était vraiment trop forte, et Pierre ne
voyait plus que ces reflets d'argent qui l'attiraient
irrésistiblement vers le large, vers ce monde qu'il entrevoyait. Il
prit la précaution d'emmener son matériel de plongée, espérant
que le temps lui permettrait de faire un premier repérage le jour
même. Il devait en premier lieu se rendre au large, un peu au-delà
de la sortie du chenal. Oh ce n'était pas encore la haute mer, et il
ne risquait pas grand-chose à cet endroit, mais Pierre savait qu'il
ne pourrait y rester très longtemps. Le chenal était en effet très
fréquenté et sa petite Belle
ne ferait pas le poids face aux chalutiers en partance pour la pêche.
Il le vivait un peu comme une offense, comme un empêchement de
naviguer en rond et d'effectuer ses recherches. Il s'éloigna, porté
par les vagues jusqu'au-delà du chenal, après les bouées. Quand il
fut certain d'être hors du passage obligé des bateaux de pêche, il
mouilla l'ancre, afin de pouvoir s'équiper. Sa combinaison de
plongée orange devait lui permettre d'être retrouvé rapidement
s'il avait un accident sous l'eau. Il endossa sa réserve d'air,
ajusta son masque, et se glissa doucement dans l'eau, sans faire de
vagues pour ne pas troubler le monde sous-marin. Il emboucha le
détendeur, vérifia que tout était en ordre et glissa dans l'eau
opale. Immédiatement sous la surface, il ne vit pas grand-chose.
Mais en plongeant plus profondément, il découvrit un environnement
enchanteur, onirique. Les rochers sous-marins étaient peuplés de
poissons et animaux divers. Anémones, moules, petites huîtres et
boulots partageaient l'espace avec une multitude de poissons
multicolores. Pierre observait tout ce petit monde avec des yeux
émerveillés. Une lointaine réminiscence surgit subitement dans son
esprit. Un film de Walt Disney où les bernard-l'ermite et autres
coquilles Saint-Jacques jouaient une ode aux poissons en utilisant
les cailloux et autres coquillages comme tuyaux d'orgue... Ou
peut-être était-ce dans Alice au pays des merveilles, où le
flutiau jouait à une octave bien élevée pour ses oreilles
d'enfant ?
Pierre
secoua vivement la tête, en proie au doute. Ce qu'il observait là,
ce qui se déroulait sous ses yeux était par trop extraordinaire.
Comme ce monde qu'il venait de découvrir et qu'il lui tardait de
visiter. Était-il en train de rêver ?
Amélie Platz, 4 avril 2012
J'essaie
péniblement de me remettre à l'écriture, de trouver un peu de
temps dans le tourbillon de ma vie quotidienne. Cette semaine, pour
les Plumes de l'année, Asphodèle a fait une récolte en O, et voici
la liste des mots qui étaient à utiliser dans le texte :
or
– opale -orange – osmose – ode – obligation – offense –
oh – ordinaire – orage
– opportunité – ouvert(e) – onirique – obsession –
ombrelle – obéissance – oubli – octave – orgue(s) – océan
– orme – orchidée.
Mais non il ne rêve pas ! Le monde sous-marin est un univers à part entière, enchanteur et peuplé de légendes !! Très joli texte Amélie !^^
RépondreSupprimerAh ah !!! On verra bien ! Merci pour ta visite !
SupprimerL'inspiration revient au fil des vagues... la suite coulera de source... peut-être avec une sirène à l'horizon
RépondreSupprimerOui, l'inspiration revient peu à peu... quand j'ai le temps ! Merci beaucoup.
SupprimerEquilibre et précision des images, comme toujours... :-)
RépondreSupprimerMerci...
SupprimerLa magie des mondes sous marins est tres bien transmise :-) j'adore dans la petite sirène quand c'est Henri salvador ( le homard je crois) qui chante
RépondreSupprimerOui, je me souviens de ce homard... Il y a aussi une scène de ce genre dans Fantasia, et une autre dans Alice, avec les petites coquilles st Jacques si je ne m'abuse... Réminiscences...
SupprimerFinalement c'est un explorateur. :D J'aime la plongée en mer, qui laisse rêveur. :D
RépondreSupprimerExplorateur, oui... et finalement, les explorateurs ne sont-ils pas eux-mêmes de doux rêveurs ?
SupprimerSur l'eau j'peux pas, sous l'eau non plus, alors bravo à Pierre.
RépondreSupprimerLui aussi, il a un peu peur... mais la curiosité est la plus forte ! Merci Zoé de ton passage ici !
SupprimerDonc, Amélie, une suite semble se profiler... super !!! Car bien sûr je me suis laissée prendre par cette passion marine de ce plongeur rêveur... deux beaux textes, de belles images... on pourrait presque les filmer.... quoique... l'écrit porte plus la magie de ton ambiance !!!
RépondreSupprimerUne suite, oui, j'espère ! Il ne manquerait plus que Pierre reste au fond de l'eau ! ;)
SupprimerJe ne sais pas pourquoi mais la suite m' inquiète ....
RépondreSupprimerLa suite ? Pour l'instant, je n'ai aucune idée de la suite. On verra peut-être avec les mots en P ? :)
SupprimerTU sais rendre la magie de cet univers! On s'y laisse prendre! Comme Pierrot le dit, j'espère que tu ne nous réserves pas une mauvaise surprise!
RépondreSupprimerBonne ou mauvaise, crois-moi, la surprise sera pour moi également ! :) Merci Claudia !
SupprimerJe me promène de texte en texte et à chaque fois, je suis ravie de découvrir un univers totalement différent du précédent ! Ce que l'on peut écrire avec 22 mots imposés ! Et puis j'aime tellement la mer !!!
RépondreSupprimerJe n'ai pas encore eu le temps de lire tous les textes, mais effectivement, ceux que j'ai lus sont tous très divers ! Contente que le texte t'ait plu !
SupprimerLes mots imposés, loin de s'imposer se coulent en transitions qui épaississent sans alourdir le récit. J'aime les récits où on lit plus que l'histoire, les descriptions qui font plus que de planter un paysage. Quand tout tourne, quand tout inter-agit avec le monde intérieur du personnage principal.
RépondreSupprimer...et si l'on doit se noyer au moins on aura bien voyagé !
Merci, Mr Normal ! Je vais essayer de continuer, alors, sans noyer qui que ce soit ! :)
SupprimerTout coule de source dans ce texte :-) Les mots se sont placés et mettent en valeur le récit évoqué. Oui les fonds marins peuvent être une source d'inspiration fantastique !
RépondreSupprimerCoincoins sous l'eau
Un grand merci ! J'espère que la suite sera aussi "inspirée" !
SupprimerLes fonds marins...Hum! je suis un bon terrien qui aime regarder les poissons dans un aquarium...ton beau texte ne me fera pas changé d'avis.
RépondreSupprimerDans un aquarium, les poissons ??? Pourquoi pas en cage ? (ah non, les trous, ça provoque des fuites...) Merci pour ton passage ici !
SupprimerC'est super bien écrit en tout cas ! bravo...
RépondreSupprimerSo
Je vais rougir... merci !
SupprimerBelle descente en eaux profondes, Amélie, Pierre reviendra-t-il de ses rêves? Tu parviens à écrire bien plus long que moi. J'admire...
RépondreSupprimerIncroyable ces différences entre les textes malgré les 20 mots imposés. L'imagination est décidément reine... Bravo Amélie pour ton texte!
Merci Bettina ! Je trouve qu'écrire court avec 20 mots imposés est un challenge autrement plus difficile que distiller 20 mots dans un long texte...
SupprimerMais c'est vrai que les textes sont variés, même si les mots sont les mêmes. C'est ce qui fait la richesse de ces exercices d'écriture !