dimanche 30 janvier 2011

L'Arbre et le coeur

Un nouvel atelier d'écriture chez Gwen, ce matin. La consigne est simple : 

Une phrase de début : L’arbre est devant la maison, un géant dans la lumière d’automne.
Une phrase de fin : J’espère que mon cœur tiendra, sans craquelures.
Il ne tient plus qu’à vous d’écrire le texte entre ce début et cette fin… en respectant une contrainte de temps : trente minutes!

Et voilà. Que faire avec ces phrases ? 31 minutes plus tard : 


L'arbre est devant la maison, un géant dans la lumière d'automne. Je me sens fatiguée, comme le jour qui décline rapidement en cette saison. Je n'ai qu'une envie : m'endormir, me laisser aller au sommeil réparateur, qui me permettra d'anesthésier ce mal-être qui me ronge à l'intérieur. Un dernier regard par la fenêtre m'attire vers cet arbre gigantesque, protecteur, millénaire. Il y a quelque chose de familier et en même temps d'étrange dans son aspect, dans la forme de son tronc, dans les nœuds de son écorce.
Je m'extirpe non sans mal de mon confortable fauteuil, attirée par ce quelque chose comme par un aimant. La porte s'ouvre, seule, comme mue par un courant d'air invisible, comme une invitation. Je sors dans le jardin, la lumière du jour décline tout doucement et les couleurs flamboyantes des feuilles des arbres environnants réchauffent mon coeur pendant que je m'approche de l'arbre. Je suis si fatiguée... quelques pas seulement me séparent de la maison, mais j'ai le sentiment d'avoir parcouru des centaines de mètres en quelques secondes. Je dois prendre appui, je dois me reposer un instant, et cet arbre chaud, protecteur, me donnera le soutien nécessaire avant de poursuivre. En m'appuyant contre le tronc de l'arbre, je sens sous mes doigts sa rugosité, sa vitalité. Mes doigts effleurent la surface de cette écorce rassurante et brusquement, je vois s'ouvrir ce tronc. Mes mains ont dû déclencher un mécanisme et la porte dérobée s'est ouverte sur un escalier qui descend dans les profondeurs de la terre. Je me sais, je me sens invitée à descendre dans ce monde souterrain, comme si j'avais enfin trouvé un endroit où je pourrais me sentir bien, au chaud. Je dois y aller, c'est chez moi !
J'avance dans le dédale des boyaux creusés entre les racines de l'arbre et de ses congénères de la forêt toute proche. Elles forment une véritable cathédrale souterraine, rassurante, protectrice, et je m'y sens si bien...
Au détour d'une des galeries, j'entends des bruits de pas, des voix, des chants. Des hommes en robe de bure sont là, assis sur de petits bancs et chantent. Ils psalmodient d'étranges mélopées dont je ne comprends pas les paroles. Instinctivement, je sens qu'ils ne sont pas à leur place. Je viens de découvrir cet endroit, mais je suis chez moi. Ils me l'ont pris, et vont m'en chasser. Leurs visages aux yeux fixes, étranges, se tournent vers moi. Ils m'ont vue, ils sont nombreux, au moins une centaine, et se lèvent tous ensemble, se dirigent vers moi. Je suis à l'entrée de cette salle immense, et je sais qu'il n'y a pas d'issue. Je dois partir, sans quoi ils me tueront.
Je cours au hasard dans les galeries formées par les racines, ne sachant plus par où je suis venue. Comment sortir ? Comment retrouver les marches menant à l'extérieur alors que tous ces hommes sont sur mes talons ? Ils sont derrière moi. Je cours, ils marchent, mais je les sais tout proches, je n'ai aucune chance. Je suis fatiguée, je vais m'effondrer dans quelques minutes, je n'ai plus de forces, ils vont me rattraper.

Respire.
Concentre-toi.
Je me retourne. Les hommes sont là, face à moi. Ils sont nombreux, ils sont calmes, déterminés, implacables. Je n'ai aucune chance. Prise de vertige, je pose mes mains sur les parois de la galerie, sur les racines bienveillantes des arbres.
Je les sens, elles sont vivantes. Cette force vitale de la nature semble m'envahir, telle un torrent d'énergie puissante, indomptable. Elle est vivante, vibrante. Je suis vivante.
Mes yeux se ferment, cette énergie se concentre en moi, je la sens monter. Bientôt, elle va sortir, exploser, me dépasser. Je dois la canaliser sans quoi elle va m'anéantir bien avant que les hommes en robe de bure ne le fassent.
Je la sens, cette énergie : mes mains tremblent, ma respiration s'accélère, mon rythme cardiaque augmente.
J'ouvre les yeux, tend les mains. Le souffle d'énergie est puissant, dévastateur. Les hommes en robe de bure le reçoivent en pleine face.
J'espère que mon cœur tiendra, sans craquelures.

Amélie Platz, 30 janvier 2011

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire