Dimanche bien occupé aujourd'hui, mais j'ai finalement pu aller vers 21 heures sur le blog de Gwen (clic sur le lien pour plus de détails), qui est rentrée de vacances. Et donc, aujourd'hui, il y avait un nouvel atelier avec des consignes strictes :
- écrire trois textes courts (oui, pour moi, c'est un exercice difficile, de faire court !), entre 10 et 20 lignes
- partir d'une phrase et terminer par une autre (en gras dans les textes), la dernière du premier texte étant aussi la première tu deuxième, et la dernière du deuxième étant également la première du dernier. Ca va, vous suivez ???
- les textes ne forment pas obligatoirement une histoire complète, mais doivent résonner entre eux. Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire, ça ???
Donc voilà ce que ça a donné :
Il y avait dans son regard un mélange de tendresse et de douleur, une lumière propre à ceux qui vivent la vie avec infiniment plus d'acuité que les autres.
Dans la cuisine, je reprends mon souffle. Il m'énerve, il m'énerve ! Je ne devrais pas, je me sens si inférieure, si inefficace et insignifiante... Et pourtant, il m'aime ! C'est ça qui me rend dingue ! Il m'aime. Et pour quelle raison ? Hein ?? Comment c'est possible qu'il m'aime comme ça ? On dirait qu'il sait tout de moi, de mes pensées, de mes doutes, de mes erreurs, et qu'il me les pardonne à l'avance, que rien ne le surprend, tout est bien, toujours ! Mais comment cela est-ce possible ? Il va bien finir par exploser, non ? Je ne l'ai pas poussé assez à bout, je sais pourtant ce qu'il veut, ce qu'il aimerait que je sois, que je fasse, que je dise. Mais non. Je ne le ferai pas, parce que je veux être vivante rien qu'une fois ! Une seule. Une seule fois où il va réagir et où je pourrai me rendre compte qu'il est humain. Simplement humain. Parce qu'il n'est pas parfait, quand même ! Ce serait tellement ennuyeux...
Je sais comment faire. Ce qu'il aime, c'est tout simple : que tout soit prêt pour le déjeuner. Fort bien. Je vais l'appeler à table, mais rien n'est prêt. Rien du tout. Il doit retourner travailler dans une heure, et le repas n'est pas prêt, mais c'est ça qui le fera réagir. Parce que s'il ne me dit rien, je deviendrai folle, cette fois.
J'ai posé deux assiettes sur la table.
J'ai posé deux assiettes sur la table.
Grand-Père ne va pas bien. Il ne réagit plus. Et ce n'est pas normal quand même, de ne plus vivre alors qu'on est encore de ce monde ! Les autres semaines, je posais trois assiettes sur cette table. Mais depuis la mort de Grand-Mère, la semaine dernière, tout a changé. Il va falloir que je m'habitue à cette nouvelle configuration et à cuisiner pour deux au lieu de trois. L'essentiel, c'est quand même qu'il mange. Sinon, il va dépérir, il va mourir lui aussi, et c'est trop tôt, beaucoup trop tôt ! Il n'a plus toute la vie devant lui, c'est évident, mais de là à se laisser mourir, non ! Enfin... et moi ? Qu'est-ce que je deviendrais, sans lui ? Déjà que sans elle, ce n'est pas facile, alors si j'étais seule, qu'est-ce qui se passerait ?
C'est sans doute égoïste, il l'aimait tellement, Grand-Mère... Et pourtant, ils se sont beaucoup disputés ces deux-là ! A croire que leurs querelles étaient le ciment de leur couple. Il paraît que certains fonctionnent comme ça. Que ça les aide à tenir. Et avec qui il va se disputer, maintenant, Grand-Père ? Avec moi ? Eh bien ça promet...
- Allez, Grand-Père ! Viens manger, ça va refroidir !
Il a hésité un moment et il a dit, J'aimerais juste retrouver cette photo.
Il a hésité un moment et il a dit, J'aimerais juste retrouver cette photo.
Je n'en peux plus. C'est trop dur. Retrouver cette photo, il ne parle que de ça. Une photo. Comme si la photo allait changer les choses entre nous, comme si la retrouver allait tout réparer. Et puis quoi ? Ce n'est qu'une photo, un instantané, une heure qui a existé, certes, mais qui est passée depuis bien longtemps... Tellement longtemps ! Cela ne fait que quinze ans que nous sommes mariés, mais ces quinze ans nous auront vu changer du tout au tout. Je me demande même si tout cela a réellement existé. Ca me paraît tellement loin, le mariage, les enfants, les voyages, l'entreprise... et aujourd'hui, il en reste quoi, de tout ça ? Des photos... Uniquement des photos. Des souvenirs classés dans un ordinateur, triés par date ; il a même fait de certaines de ces photos de très beaux livres qu'il montrait avec fierté lors des fêtes de famille. Et puis quoi ? A force de vivre dans le passé, dans les souvenirs, en aurions-nous oublié de consolider le présent ?
- Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ? Divorcer ?
- Je ne sais pas...
- Si tu dis que tu ne sais pas, c'est que tu acceptes.
Amélie Platz, 8 mai 2011
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