(Photo : Kot²)
Mariam releva la tête. Elle ne voulait pas laisser son passé ternir la journée. C'était hors de question. Son mariage n'allait pas être gâché, surtout pas par cette ordure de Charles. Oui, il l'avait détruite, mais elle était bien décidée à ne pas se laisser démonter. D'ailleurs, après le choc que cela lui avait fait de le revoir, surtout en ces circonstances, elle avait réalisé combien sa présence était odieuse. Il avait osé venir à son mariage, après ce qu'il lui avait fait subir ! Mariam était indignée, choquée, mais autrement que la dernière fois qu'elle l'avait vu.
Parce que, bien sûr, elle n'avait pas terminé son voyage avec lui. Dès qu'elle l'avait pu, elle était partie. Heureusement qu'il y avait son cousin. L’Italie n'était pas si loin que ça. Elle avait fui. Pris un taxi, armée de sa seule petite valise. Elle l'avait appelé à l'aube, pour lui dire qu'elle arrivait, seule, et qu'elle avait besoin de son aide. Elle n'en avait pas dit plus. C'était impossible, trop tôt et bien trop difficile. Et puis, elle avait honte. Honte de son comportement, de sa naïveté, d'elle. Elle se sentait sale, salie, mais aussi démembrée, désintégrée, désarticulée.
Elle avait retrouvé son cousin qui l'attendait à la gare, comme prévu. Il l'avait vue arriver dans un état lamentable. Elle était proche d'une loque. Mais s'il était étonné qu'elle soit venue seule, il restait très heureux de la revoir. Il lui demanda pourquoi elle avait changé ses plans, mais ne reçut pas de réponse, bien sûr... Il comprit qu'elle ne dirait rien, mais aussi qu'elle avait besoin de son soutien, indéfectible. Vivant en Italie, Boris n'en était pas moins au fait de l'histoire familiale. C'était d'ailleurs pour échapper à l'ambiance étouffante qu'il s'était expatrié. Il vivait maintenant heureux, après avoir vécu des événements douloureux lui aussi... Il posa un baiser sur la joue de sa cousine et passa un bras protecteur et fraternel autour de ses épaules frêles et fatiguées. Elle laissa sa tête se nicher au creux du cou de son cousin et ferma les yeux. Enfin, elle était en sécurité.
Quand ils furent arrivés chez Boris, Mariam avait tenté de refaire surface. Elle avait observé l'univers de son cousin, les cadres aux murs, les tableaux, les meubles... une photo attira particulièrement son attention. On y voyait deux jeunes gens, Boris, qu'on reconnaissait à peine, la tête baissée, et une fille, une blonde. Ils étaient dans le métro, elle avait posé sa tête sur son épaule, comme Mariam l'avait fait quelques minutes auparavant. Elle regardait l'objectif, avec une esquisse de sourire et un air de défi dans les yeux... Pourquoi avait-il cette photo dans son appartement ? Encadrée, qui plus est. Cette fille avait sans doute beaucoup compté pour lui. Était-elle toujours avec lui ? Ou bien était-ce une aventure sans lendemain ? C'était étrange, que lui baisse la tête, comme ça... Elle allait poser des questions, mais sa gorge était nouée, les mots ne venaient pas.
Il la regarda observer autour d'elle.
"Les réponses viendront avec le temps", lui dit-il. "En tout cas, tu peux compter sur moi. Tu es chez toi, autant que tu le voudras."
Elle n'était pas restée très longtemps. C'était trop difficile. Elle ne pouvait pas assumer seule cette vie. Elle était brisée, elle avait besoin de se reconstruire. Elle avait le sentiment d'être en cavale, d'être une marginale.
Elle comprit pourquoi la jeune fille de la photo lui "parlait" tant. C'était comme si elle lui disait qu'elles étaient sœurs. Impossible de comprendre pourquoi. D'ailleurs, y avait-il quelque chose à comprendre ? En tout cas, son regard disait aussi la douleur. Indicible. Et la volonté de vivre.
Mariam se dit alors qu'elle aussi vivrait. Mais pour l'instant, elle devait juste se remettre. Cela prendrait du temps, elle le savait. Et elle savait aussi qu'elle ne serait plus jamais la même.
Amélie Platz, 8 octobre 2011
Voici donc ma participation au jeu de Leiloona de cette semaine, après une semaine d'absence... et la suite de l'histoire commencée avec les jeux d'Olivia et Eiluned. La suite, très vite !
J'adore cette association de textes autour d'une seule photo. On dirait que la photo a été faite pour tes mots.
RépondreSupprimerCe jeu d'imagination d'après une photo imposée me tente énormément ! Mais, pour le moment, ce ne serait vraiment pas raisonnable...
Je me contente de découvrir chez les Autres !
Bravo, bien écrit et ça donne envie de lire la suite, vite !
RépondreSupprimerMiss So
On attend la suite.
RépondreSupprimerBravo pour l'utilisation de la photo ! J'ai hâte de lire la suite de l'histoire :)
RépondreSupprimertoujours aussi bien écrit
RépondreSupprimerJe file lire la suite ! Avec les textes longs, on ne sent pas l'urgence de la fin, les personnages prennent alors une autre ampleur. ;)
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